Marcel Chauvin : Professeur des Universités, praticien hospitalier .Service d'anesthésie-réanimation chirurgicale, hôpital Ambroise-Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100  Boulogne  Billancourt cedex

HISTOIRE DES OPIOÏDES

  • Environ 5000 ans avant J.-C. les Sumériens cultivaient le pavot pour en extraire l’opium à des fins religieuses et médicinales
  • En 1817, Sertürnerextrait le principe actif de l’opium qu’il nomme morphine, de Morphée, dieu du sommeil
  • Codéine isolée de l’opium quelques années après
  • Vers 1850 morphine utilisée durant guerre de la France et la Prusse et aussi pendant la guerre civile américaine
  • En 1901, Katawatainjecte de la morphine en intrathécal
  • Dérivés synthétiques produits
  • Récepteurs morphiniques découverts dans les années 70
  • Ligands endogènes
  • Clonage des récepteurs morphiniques

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DÉFINITIONS

  • OPIUM: extrait de la plante (pavot) Papaver somniferum
  • OPIACÉS: terme plus ancien,s’applique aux substances morphiniques synthétiques qui ont une structure non peptidique
  • OPIOÏDES:toute substance, endogène ou synthétique, qui produit des effets similaires à la morphine et qui sont bloqués par un antagoniste (naloxone)

Classification des opioïdes

  • Naturels
    • morphine
    • codéine
    • thébaïne
    • papavérine
  • Semi-synthétiques
    • héroïne
    • buprénorphine
  • Synthétiques
    • fentanyl
    • méthadone

RÉCEPTEURS OPIOÏDES

4 types de récepteurs opioïdes :

  • mu :μ
  • Delta : δ
  • Kappa : κ
  • ORL1

Peptides endogènes : β-endorphines, endomorphines, enképhalines, dynorphineset nociceptinethadone

Interactions des opioïdes endogènes

avec leurs récepteurs

μ δ κ ORL1
β-endorphines +++ +++ +++ -
Leu-enképhaline + +++ - -
Met-enképhaline ++ +++ - -
Dynorphine ++ + +++ -
OrphanineFQ / nociceptine - - - +++

PEPTIDES OPIOÏDES ENDOGÈNES

Interaction des opioïdes avec 

les récepteurs

μ δ κ

Morphine, codéine, oxymorphone,

dextropropoxyphène

+++ + +
Méthadone +++ - -
Mépéridine ++ + +
Fentanyl, sufentanil +++ + -
Buprénorphine (+++) - ++
Pentazocine + + ++
Nalbuphine + + (++)
Nalorphine ++ - (++)
Naloxone +++ + ++

+agoniste; +antagoniste; egg agoniste partiel

AGONISTES ET ANTAGONISTES OPIOÏDES

  • Agonistes purs
    • morphine, fentanyl, mépéridine
    • agonistes faibles = codéine, méthadone, dextropropoxyphène
  • Agonistes partiels et agoniste-antagonistes mixtes
    • nalorphine, pentazocine, buprénorphine, nalbuphine
  • Antagonistes
    • naloxone, naltrexone

MÉCANISMES D’ACTION CELLULAIRES DES OPIOÏDES

  • Récepteurs appartiennent à la famille des protéines G(Gi/o)
    • inhibent l’adénylate cyclase et donc le contenu intracellulaire en AMPc
    • permettent l’ouverture de canaux potassiques
    • inhibent l’ouverture de canaux calciques
  • Réduction de l’excitabilité neuronale et de la libération de neurotransmetteurs
  • Effets inhibiteurs au niveau cellulaire
  • Les morphiniques exercent leur action en se fixant de façon réversible sur des récepteurs spécifiques, saturables: μ mu, ∆ delta,  kappa, σ sigma
  • L’effet pharmacologique obtenu dépend en partie du type de récepteur occupé.
  • Ces récepteurs sont localisés principalement dans le système nerveux central, en particulier au niveau de la corne dorsale de la moelle.

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Morphiniques agonistes

  • Les morphiniques agonistes ont les mêmes propriétés pharmacologiques dépendantes de la dose et concernent notamment :
    • l'analgésie,
    • la dépression respiratoire
    • et les effets digestifs.
  • Ils diffèrent entre eux principalement par :
    • la puissance d'action
    • et les durées et délais d'action.
  • Ces derniers éléments sont déterminés par :
    • les propriétés au niveau des récepteurs morphiniques  
    • et la diffusion tissulaire.

Relation propriétés physicochimiques et diffusion dans le système nerveux central

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  • Les chronologies d'action des morphiniques dépendent de leurs diffusions respectives dans le système nerveux central (SNC).
  • La fraction diffusible est la fraction libre (non fixée aux protéines plasmatiques) et non ionisée.
  • Elle dépend du degré de fixation aux protéines plasmatiques et du pKa .
  • Les morphiniques sont tous des bases faibles.

Exemple:

  • Le pKa de l'alfentanil étant le plus bas, sa fraction diffusible est importante malgré une fixation protéique élevée.
  • Le pKa du sufentanil est légèrement inférieur à celui du fentanyl, mais étant donné que sa fixation protéique est plus forte, sa fraction diffusible est égale à celle du fentanyl. 
  • Les fractions diffusibles du fentanyl et du sufentanil varient significativement avec le pH plasmatique, compte tenu de leurs valeurs de pKa.

La diffusion de la base non liée aux protéines (fraction diffusible) dépend de deux facteurs :

  • la liposolubilité
  • le volume du compartiment central.
  • La diffusion des morphiniques de part et d'autre de la barrière hémato encéphalique est passive, elle répond au gradient de concentration transmembranaire et s'effectue d'autant plus rapidement que la molécule est plus liposoluble.
  • Ainsi, quand l'agent est très liposoluble, la diffusion transmembranaire est importante et l'équilibre de concentration est rapidement atteint entre le plasma et le SNC.
  • En revanche, quand le morphinique est peu liposoluble, l'équilibre ne peut pas être atteint.

Les morphiniques diffèrent par leur liposolubilité.

La morphine est la moins liposoluble, les autres morphiniques sont beaucoup plus liposolubles.

Exemple:

  • Le fentanyl et le sufentanil sont les plus liposolubles. La base est légèrement plus liposoluble pour le fentanyl que pour le sufentanil.

Le volume du compartiment central (V1) est également déterminant de la quantité de molécules diffusant dans le SNC puisque cette diffusion est dépendante de la concentration.

Plus V1 est réduit et plus la concentration initiale du médicament dans ce compartiment est élevée.

Exemple:

  • L'alfentanil a un V1 particulièrement petit, comparé au fentanyl et au sufentanil, si bien que les concentrations initiales équivalentes à une même dose injectée sont 7 fois plus importantes pour l'alfentanil que pour le fentanyl et le sufentanil
  • Demi-vie d'élimination, volume de distribution et clairance plasmatique

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Comme pour tous les médicaments, la demi-vie d'élimination est proportionnelle au volume de distribution (Vd) et inversement proportionnelle à la clairance totale (Cl).

Le volume de distribution des morphiniques est principalement constitué par le territoire musculaire du fait de sa vascularisation .

Ces distributions et redistributions du morphinique dans les muscles dépendent également de leur liposolubilité (plus le morphinique est liposoluble et plus grand est le Vd).

Exemple:

  • Le (Vdss) de l'alfentanil est 6 fois plus faible que celui du fentanyl et du sufentanil.
  • Le grand volume de distribution du fentanyl est responsable de sa longue demi-vie d'élimination bien que sa clairance plasmatique soit élevée.
  • En effet le facteur limitant de l'élimination du fentanyl de l'organisme n'est pas le métabolisme hépatique, mais le volume de distribution, les constantes de transfert depuis les territoires V2 et V3 étant inférieures à la constante d'élimination.
  • Ainsi, la première conséquence du grand volume de distribution du fentanyl est l'accumulation dans l'organisme, elle s'observe en cas de doses fortes, uniques ou cumulées à la suite de réadministration ou de perfusion continue, si bien qu'à dose faible, le fentanyl a une courte durée d'action mais à dose forte, il devient un morphinique de très longue durée d'action.
  • La deuxième conséquence du grand Vdss est la recirculation du fentanyl depuis le territoire musculaire à l'occasion du réchauffement de la phase de réveil par la réversibilité de la vasoconstriction peropératoire de ce territoire.
  • Ces recirculations créent des pics secondaires le long de la phase d'élimination et peuvent ainsi participer aux dépressions respiratoires secondaires rapportées avec le fentanyl au cours de la période de réveil.

Par opposition, l'alfentanil a un volume de distribution beaucoup plus petit. Les conséquences sont les suivantes :

  • demi-vie d'élimination courte bien que la clairance soit plus faible que celle du fentanyl ;
  • absence de recirculation ;
  • accumulation dans les muscles beaucoup plus faible que le fentanyl ;

par contre, la distribution de l'alfentanil est rapidement terminée et la pharmacocinétique de ce type de médicament est beaucoup plus susceptible d'être modifiée par des retards d'élimination hépatique que le fentanyl.

Analgésie μ δ κ
supraspinale +++ - -
spinale ++ ++ +
périphérique ++ - ++
Dépression respiratoire +++ ++ -
Constriction pupillaire ++ - +
Motilité GI réduite ++ ++ +
Euphorie +++ - -
Dysphorie - - +++
Sédation ++ - ++
Dépendance physique +++ - +

EFFETS DES OPIOÏDES

Propriétés pharmacodynamiques

Actions sur le système nerveux central

  • Les morphiniques peuvent soit inhiber, soit stimuler le SNC.
    • La dépression du SNC :
    • l'analgésie,
    • la dépression respiratoire,
    • la somnolence
    • certaines modifications électroencéphalographiques.
  • Les actions excitatrices :
    • myosis,
    • les nausées et vomissements
    • possibilité d'activation du système limbique (amygdale et hippocampe)

Analgésie

L'analgésie est

  • intense,
  • constante,
  • dépendante de la dose
  • se manifeste à l'égard de tous les types de douleurs.

L'action antinociceptive se caractérise expérimentalement par une augmentation des seuils nociceptifs quel que soit le test utilisé :

  • thermique,
  • chimique,
  • électrique,
  • à la pression.

Ce qui différencie principalement les analgésiques de cette même classe est la puissance d'action ou autrement dit la dose équiactive.

Les délais d'apparition et les durées de l'analgésie diffèrent également avec le morphinique

Actions psychomotrices

  • Les morphiniques peuvent être à l'origine de deux comportements opposés :
    • soit un état de sédation, fréquent quand le morphinique est administré chez les patients douloureux ;
    • soit un état d'agitation psychomotrice plus particulier à certains terrains : vieillards, enfants jeunes, sujets cachectiques

Actions psychoaffectives

Les réactions psychoaffectives peuvent être également de deux natures différentes :

  • le plus souvent, (les sujets algiques++):
    • euphorie,
    • impression de bien-être associées à une dépression de l'émotivité et de l'agressivité ;
  • plus rarement,
    • dysphorie
    • impression générale de malaise,
    • angoisse
    • hallucinations

Actions hypnotiques

Les morphiniques altèrent le niveau de vigilance par une dépression sélective du SNC, exercée probablement sur le système limbique 

Actions respiratoires

Dépression respiratoire

  • Les morphinomimétiques provoquent une réduction dose-dépendante de la réponse des centres respiratoires bulbaires aux stimuli hypoxémiques et hypercapniques.
  • La perte de sensibilité de ces centres au CO2 apparaît dès les plus faibles doses analgésiques .
  • Les morphiniques dépriment aussi les centres bulbaires impliqués dans la régulation de la fréquence respiratoire, qui se traduit par :
    • une bradypnée,
    • une prolongation de l'expiration
    • et une respiration périodique de type Cheynes-Stokes.
  • Au-delà d'une certaine dose une apnée apparaît.
  • A la bradypnée s'associe une augmentation compensatrice du volume courant, insuffisante pour éviter une hypercapnie.  
  • Après administration rachidienne chute du volume courant à la suite d'une probable dépression spécifique des neurones de la motricité intercostale .
  • La traduction clinique de la détresse respiratoire est, dans ces cas, une polypnée superficielle.
  • Cette action dépressive respiratoire évolue parallèlement à l'analgésie morphinique et elle est indissociable d'elle.
  • Elle est constamment associée à une baisse importante du degré de vigilance.
  • Certains facteurs peuvent influencer l'intensité et la durée de la dépression respiratoire des morphinomimétiques :
    • l'âge : les personnes âgées sont plus sensibles aux effets dépressifs respiratoires et sédatifs que les sujets plus jeunes ;
    • la douleur : la douleur antagonise la dépression respiratoire des morphiniques 

Rigidité thoracique

À quel moment?

  • précède quelquefois la perte de conscience .
  • durant la phase de réveil .

Conséquences?

  • diminution importante de la compliance thoracique rendant impossible l'insufflation pulmonaire.

Incidences?

  • fonction de la rapidité et de la puissance d'action du morphinique,
  • et pour un même morphinique avec la dose et la vitesse d'injection.

Prévention OU antagonistaion?

  • injection d'un curare qui doit toujours être inclus dans le protocole anesthésique des doses fortes de morphiniques.

Bronchoconstriction

  • Elle est en rapport avec:
    • une action directe exercée sur le muscle lisse bronchique,
    • associée pour certains morphiniques à l'histaminolibération.
  • Ainsi, la morphine et la péthidine créent plus souvent des épisodes de dyspnée asthmatiforme que le fentanyl.
  • En fait, ce qui est habituellement attribué à un bronchospasme sous fentanyl n'est autre qu'une rigidité thoracique.

Dépression de la toux

  • les morphiniques dépriment également les centres de la toux.
  • Cette action apparaît dès les plus faibles doses.
  • Pas de relation entre la dépression de la respiration et la diminution de la toux .
  • Elle permet la bonne tolérance des sondes trachéales mais expose, chez les patients en ventilation spontanée, aux risques d'encombrement bronchique

Actions cardiovasculaires

  • Les morphiniques, par comparaison avec les anesthésiques généraux, ont peu d'actions cardiovasculaires

Actions sur la fréquence cardiaque

  • Les morphiniques créent habituellement une bradycardie sinusale dont le mécanisme est une stimulation du noyau du X au niveau du plancher du 4e ventricule.
  • L'atropine supprime la bradycardie des morphiniques

Actions sur les vaisseaux

  • Les morphiniques histaminolibérateurs créent une vasodilatation artériolaire et veineuse, dépendante de la dose.
  • Dans ce cas, le blocage des récepteurs H1 et des récepteurs H2 antagonise cet effet hypotenseur.
  • Les autres morphiniques ne modifient ni la précharge, ni la postcharge quand le système sympathique n'est pas hyperstimulé.
  • En revanche dans le cas inverse, comme au cours d'une hypovolémie, la dose la plus faible d'un morphinique majore l'hypotension artérielle par diminution centrale de cette hyperéactivité sympathique.

Actions sur la contractilité myocardique

  • A l'exception de la péthidine, les morphinomimétiques ne sont pas responsables en clinique d'une dépression de la contraction myocardique même après de fortes doses

Actions sur le tube digestif

  • Les nausées et les vomissements sont des effets indésirables fréquemment observés au cours d'un traitement morphinique puisqu'ils surviennent avec une fréquence de 20 à 60 %, aussi bien durant la période postopératoire qu'à l'initiation d'un traitement pour douleur chronique.
  • Cette incidence est identique avec toutes les voies d'administration.
  • Néanmoins, les morphiniques varient dans leur capacité à produire des nausées et des vomissements chez un individu donné.
  • Ainsi, il est logique de changer de morphinique à dose équianalgésique quand un patient développe des nausées/vomissements.
  • Les mécanismes des nausées et des vomissements produits par les morphiniques sont centraux et périphériques.
  • L'action centrale principale est la stimulation de la zone chémoréceptrice au niveau de l'area postrema.
  • Toute stimulation supplémentaire de cette zone, - telles les afférences vestibulaires mises en jeu au cours de la déambulation -, majore l'incidence des vomissements des morphiniques ce qui explique que les nausées et vomissements soient très marqués durant la période postopératoire d'anesthésie ambulatoire.
  • Mécanisme demeure encore inconnu.
  • Atonie des fibres longitudinales gastriques et l'hypertonie du pylore  retard à la vidange gastrique par :
    • Présence d'un grand nombre de récepteurs morphiniques au niveau gastro-intestinal (l'antre gastrique+++)
    • Production de 5-hydroxytryptamine dans le tissu gastro-intestinal par la morphine sont en faveur d'un mécanisme périphérique.
  • TRT: Les neuroleptiques, à doses faibles, (l'halopéridol et le dropéridol)
  • Le métoclopramide est + ou - actif .
  • L'action d'atonie des fibres longitudinales et d'hypertonie des fibres circulaires et des sphincters sur le reste du tube digestif explique la constipation, et l'hyperpression dans les voies biliaires.

Actions sur l'appareil urinaire

  • Augmente le tonus des fibres circulaires du sphincter vésical.
  • Baisse la tonicité et l'activité des fibres longitudinales.
  • Ces actions s'observent le plus fréquemment par voie médullaire , et sont à l'origine de la rétention d'urines.
  • L'incidence est de 10 à 20 % pour une dose de 4 mg de morphine par voie péridurale.
  • Prévention:  α2 adrénergiques et α1 antagonistes

Actions sur l'œil

  • Effet myotique par stimulation centrale du noyau parasympathique d'Edinger-Westphal du nerf moteur oculaire commun (III).
  • A doses fortes, les pupilles deviennent punctiformes.
  • Le myosis des morphiniques est inhibé par:
    • l'atropine,
    • les ganglioplégiques
    • la naloxone.

 Tolérance, dépendance physique et assuétude

  • Ces différentes manifestations sont le fait de prises répétées de morphiniques et apparaissent à la suite
    • d'un arrêt brutal de l'administration de morphiniques
    • ou de la prescription d'un antimorphinique,
  • tout facteur pouvant faire apparaître un syndrome de sevrage.
  • Ces trois termes correspondent à des phénomènes distincts qui peuvent ne pas être associés.
La tolérance, ou accoutumance : nécessité d'augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets.
  • L'ensemble des actions des morphiniques, y compris la dépression respiratoire, tend à s'atténuer pour une dose donnée.
  • En fait, il est souvent difficile en cas de douleurs chroniques de distinguer l'accoutumance véritable du renforcement du processus douloureux.
  • Néanmoins, dans les modèles expérimentaux , il a été montré que la tolérance peut apparaître rapidement, en quelques jours.
  • La même constatation a été notée chez les malades de réanimation.
  • Cette tolérance peut apparaître seule, sans dépendance physique et sans assuétude.
La dépendance physique : état physiologique caractérisé par un syndrome de sevrage à l'arrêt brutal de l'administration de morphiniques.
  • Les premières manifestations comprennent
  • larmoiement, rhinorrhée, sueurs, tachycardie.
  • Puis se développent progressivement en 12 à 72 heures les éléments suivants :
  • crampes abdominales, tremblements, nausées, vomissements, diarrhée, déshydratation et tendance à l'acidose métabolique, mydriase, torpeurs entrecoupées de phases brutales d'agitation, agressivité, instabilité excessive, hypotension artérielle.
  • L'assuétude ou " addiction " : dépendance psychique éprouvée comme un état de besoin ou de compulsion qui presse le sujet à répéter indéfiniment l'administration du produit afin d'en percevoir les effets psychiques et quelquefois afin d'éviter l'inconfort du sevrage.
  • La tolérance peut être présente ou absente.
  • phénomène distinct de la tolérance et de la dépendance physique.
  • L'assuétude est l'une des craintes classiquement développée par certains médecins, pour ne pas prescrire un traitement antalgique morphinique.
  • En fait, quand le morphinique est prescrit de manière appropriée, l'assuétude d'origine iatrogène est exceptionnelle (dans une étude 4 cas pour 12 000 patients ).

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Propriétés physicochimiques

  • La naloxone est très liposoluble .
  • Son poids moléculaire est de 363,83 et son pKa de 7,82.

Métabolisme

  • La naloxone est métabolisée rapidement au niveau du foie principalement par une glucuroconjugaison.

Pharmacocinétique

  • La décroissance de la concentration plasmatique de la naloxone est très rapide.
  • Après administration intraveineuse de 0,4 mg, la T1/2 de la phase initiale de distribution est de 4 min et celle de la phase d'élimination est de 64 min.
  • La diffusion tissulaire est aisée et les concentrations dans les structures cérébrales sont 10 à 15 fois plus élevées que celles de la morphine.
  • A l'inverse de la morphine, le rapport des concentrations cérébrales/plasma est très supérieur à 1 et la décroissance de la concentration cérébrale est parallèle à celle de la concentration plasmatique 

Pharmacodynamique

Propriétés propres

  • La naloxone ne possède pas les effets propres des agonistes-antagonistes aux doses habituelles.
  • Mais elle peut, dans certaines conditions d'hyperstimulation d'endomorphines créer un effet antagoniste en dehors de toute administration exogène de morphiniques (acupuncture, stimulation électrique à basse fréquence, douleurs dentaires...).

Propriétés antagonistes

  • De faibles doses (0,1 à 0,4 mg) de naloxone, administrées par voie IV ou IM antagonisent rapidement les effets des morphinomimétiques.
  • L'action est maximale en 2 min après injection IV ; sa durée est courte, 45 min au plus après administration de 0,4 mg/70 kg par voie intraveineuse, 2 heures après administration intramusculaire.
  • Elle se traduit par : une régression de l'analgésie, un antagonisme de la dépression respiratoire, une inhibition des effets bradycardisants et hypotensifs, une diminution du myosis.
  • Cet antagonisme est souvent associé pour la naloxone, à un phénomène " d'overshoot ", qui se caractérise par un réveil brutal avec agitation, douleur, tachypnée, tachycardie et hypertension artérielle nécessitant de titrer la dose de naloxone en diluant une ampoule de 0,4 mg dans une seringue de 10 ml afin d'antagoniser la dépression respiratoire sans lever l'analgésie.
  • Les effets hémodynamiques s'accompagnent d'augmentation du débit cardiaque et des résistances artérielles systémiques, à l'origine d'un accroissement de la consommation d'oxygène myocardique.
  • Ainsi un tel médicament doit être évité chez l'insuffisant coronarien, l'insuffisant cardiaque et l'hypertendu.

Utilisation clinique, présentation

  • La naloxone est utilisée pour antagoniser la dépression respiratoire induite par les morphiniques.
  • Cette action s'associe inéluctablement à une régression de l'analgésie.
  • Afin de diminuer l'incidence des douleurs postopératoires, la dose initiale de naloxone est titrée : 0,4 mg est dilué dans une seringue de 10 ml et 1 ml de cette solution est administré par voie intraveineuse toutes les 3 minutes jusqu'à ce que la fréquence respiratoire soit supérieure à 14 par minute et la Feco 2 inférieure à 7 %.
  • La demi-vie d'élimination de la naloxone est très inférieure à celle de tous les morphinomimétiques précités ce qui expose au risque de voir réapparaître la dépression respiratoire.
  • Il est donc nécessaire après la dose initiale efficace (entre 0,05 mg et 0,3 mg) de renforcer cette action par l'injection intramusculaire d'une dose identique ou par une perfusion continue (3,3 mg/min) de naloxone.
M. Suter, I. Decosterd, N. Gilliard, E. Albrecht.Manuel pratique d’anesthésie © 2015, Elsevier Masson

Le mot « opiacé » (grec : opos) est le terme ancien utilisé pour désigner les substances issues du pavot (Papaver somniferum), y compris la morphine, la codéine et les molécules semi-synthétiques dérivées de ces alcaloïdes. Les peptides endogènes ne font pas partie des opiacés et sont désignés sous le nom d'opioïdes. Par extension, le terme « opioïde » s'applique à toute substance naturelle, semi-synthétique ou synthétique, dont l'effet résulte de son interaction avec les récepteurs aux opioïdes.

  • Les opioïdes sont des analgésiques puissants, utilisés en anesthésie (générale et locorégionale), dans la phase postopératoire, pour le traitement des douleurs aiguës ou chroniques modérées à sévères (score de douleur égal ou supérieur à 4/10).
  • Ce sont des bases faibles qui se lient à des récepteurs. Ils sont classés en :
    • agonistes purs : l'activité intrinsèque est de 1 ; par exemple fentanyl, péthidine, morphine, hydromorphone, codéine, méthadone, oxycodone ;
    • agonistes partiels : l'activité intrinsèque est < 1 ; par exemple buprénorphine;
    • agonistes-antagonistes : action agoniste sur les récepteurs kappa avec activité intrinsèque < 1 et action antagoniste sur les récepteurs mu ; par exemple nalbuphine ;
    • antagonistes purs : l'activité intrinsèque est de 0 ; par exemple naloxone ; l'affinité pour les récepteurs mu > delta > kappa.
  • La péthidine (ou mépéridine) est un opioïde synthétique, précurseur du fentanyl (Sintenyl® en Suisse), du sufentanil (Sufenta®), de l'alfentanil (Rapifen®) et du rémifentanil (Ultiva®). Ces quatre opioïdes et la morphine sont utilisés dans la phase péri-opératoire. La figure en dessous représente la structure moléculaire des opioïdes et de la naloxone.
  • Dans le traitement des douleurs postopératoires ou chroniques, les composés suivants sont utilisés : morphine, oxycodone, hydromorphone, buprénorphine, méthadone, tramadol, nalbuphine, fentanyl. La péthidine est métabolisée en norpéthidine, qui s'accumule en cas d'insuffisance rénale ou qui peut produire, dans des cas exceptionnels, des crises convulsives réfractaires à la naloxone ; son usage n'est donc pas recommandé dans la pratique clinique.
  • Les voies d'administration des opioïdes sont nombreuses et dépendent de la substance, du patient et de la pathologie : voies intraveineuse, orale, rectale, sous-cutanée, sublinguale, transdermique ou périmédullaire.

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